Prof en conscience

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Petit exercice de gratitude

2021 s'achève, aujourd'hui c'était le dernier jour avant les vacances de Noël, le jour où l'on s'échange avec les élèves les voeux de fin d'année. Et j'ai eu l'idée de conclure l'année avec une des classes de 3ème avec qui j'ai une bonne relation de confiance, en leur proposant un petit exercice de gratitude.

 

J'ai écrit  "GRATITUDE" au tableau et nous avons clarifié le sens du mot, nous avons évoqué les diverses traditions liées à Noël puis je leur ai proposé de choisir un ou plusieurs camarades dans la groupe classe présent à ce moment-là et de leur écrire sur un bout de papier la ou les raisons pour lesquelles ils avaient de la gratitude pour eux.

 

Et j'ai fait de même pour chacun des 12 élèves présents (d'habitude ils sont 26, mais apparemment les vacances avaient commencé plutôt pour nombre d'entre eux.), je leur ai écrit sur un petit papier une raison pour laquelle j'avais de la gratitude à les avoir comme élève.

 

J'ai été très agréablement surprise de la facilité avec laquelle ils se sont emparés de l'exercice, ils se sont mis à écrire les uns aux autres entre filles et garçons, les élèves appliqués comme les plus "blindés", ceux qui se cachent derrière leur carapace bien solide. Pendant qu'ils écrivaient, je gribouillais mes petits mots avec le prénom de chaque élève présent et les élèves me demandaient ce que je faisais, et lorsque je leur ai distribué leur petit mot, ils ont exprimé à quel point ils étaient touchés.

 

Je suis une grande pudique, mais pouvoir rester présente aux larmes qui me sont montés au yeux face à leur réaction, à leurs larmes ou leurs paroles a été un vrai cadeau et ils sont tous partis dans le calme et dans une énergie de grande sérénité.

 

Je n'ai pas osé le refaire avec une autre classe de 3ème avec qui le contact est encore très contrôlé et distant, mais j'ai beaucoup de gratitude pour ce moment un peu magique, un peu hors du temps et du cadre scolaire.

 

 

Je vous souhaite de très belles fêtes,

 

Emma


17/12/2021
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Silence, stupéfaction

        Je n'ai pas pu écrire ces derniers mois, je ne savais plus quoi dire. Je suis comme scindée en deux entre ce que j'observe, d'une situation que je ressens comme une grande violence mais qui ne peut pas se dire, qui n'a pas le droit de se dire. Et les joies vécues chaque jour en accompagnant ces mômes avec leur vulnérabilité, leurs stratégies, leur spontanéité et leur difficulté - que je partage - à trouver du sens dans ce système.

 

        Et je chemine avec eux, et lorsque je chemine, je ne sais plus quoi dire. Mais j'ai envie de reprendre la plume et de parler de mes petits bouts d'expérience, mes petites joies et déceptions du quotidien. Parce que je chemine et que chaque année ne ressemble pas à la précédente, et parce que plus rien ne sera comme avant 2020... et c'est tant mieux.

 

Comme une envie de me reprendre mon clavier !

 

Au plaisir

 

Emma

 


07/12/2021
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Espace de sécurité ou espace sécuritaire ?

Quel espace de vie propose-t-on aux enfants ?

 

 

Je ne peux parler que de ce que connais, et ce que je connais le mieux, c'est le collège dans lequel je travaille.

Ce que j'observe c'est que les adolescents sont considérés et traités en ce moment comme des dangers sur patte. Et que cela légitime que l'on fasse d'un établissement scolaire un espace sécuritaire. Mais qu'aurait-on à redire à cela ? Il est nécessaire que les enfants soient protégés, en sécurité.

 

Entendons-nous bien, j'ai toujours cherché à faire de ma salle de classe un espace le plus sécuritaire possible. Que je m'explique sur ce que j'entends par là. Un espace de sécurité n'est pas :

  • un espace de répression
  • un espace de contrôle
  • un espace de déni et de contrainte faite au corps
  • un espace de non consentement
  • un espace de violence au de n'importe quel bien commun

 

 

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Mon espace de sécurité est un espace de bienveillance, de reconnaître qui je suis et d'accompagner chacun comme il est afin qu'il puisse accepter l'erreur voire l'errance, le cheminement, le fait de ne pas savoir.

Mon espace de sécurité est un espace de douceur où la parole et les mots qui circulent ne mettent pas à distance, à l'écart, ne rejettent pas.

 

C'est un espace d'arbitrage où les régles communes sont là pour permettre à chacun de s'exprimer sans se sentir rejeter. C'est un espace d'accueil de moi, de l'autre, de mes erreurs, mes écarts, mes limites

C'est un espace d'exploration des qualités, de la créativité de chacun, la mienne comme la leur. Avec le plus de vulnérablilité possible.

Ce que je décris là n'est pas un utopie toute faite que je cherche à imposer mais une vision globale qui s'invite pour nous englober dans un projet commun, une sorte d'horizon dont on peut toujours se rapprocher, en faisant des tours et des détours, en revenant parfois en arrière, puis en faisant des bonds immenses en avant.

Un espace où on ne peut pas tout le temps discuter de tout mais où on peut quand même dire beaucoup de choses, même sur le prof, où on peut interroger, douter et (me) faire douter. Et où je tente de trouver auussi ma place entre arbitrage, repli discret, interventionnisme nécessaire ou pas. Personne n'est parfait, ni eux, et surtout pas moi ! 

 

Avec toute la douceur qui est requise en ce moment,

 

Emma


16/11/2020
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Enseigner en 2020 : Jusqu'où est-ce acceptable ?

Je ne sais plus pourquoi j'enseigne.

Je vais au collège tous les matins et j'ai vu trop de choses.

 

J'ai vu des élèves se tenir serrés en file indienne et poser bien sagement sur les tables, dressées en travers du hall, leur sac et l'ouvrir devant des adultes suspicieux et à cran.

 

Pour anecdote, j'ai interrogé la classe de 3ème dont je suis prof principale et j'ai demandé avec humour qui s'était fait choper avec quelquechose dans le sac. Une élève et une seule a levé la main.

Moi : "C'était un déodorant ?"

L'élève : "Oui mais un déodorant à bille !!"

 

J'ai vu une cour de récré séparée par des rubalises et des élèves parqués dans leur espace "réservé".

 

Je vois chaque soir des les petits bouts de chou de CP qui sortent en même temps que la classe de mon fils avec leur masque bien remonté sur le nez.

J'ai entendu des collègues être satisfaits de cette nouvelle "organisation" - désorganisation.

 

Je vois la peur d'attraper le virus, la colère du manque de moyens, j'observe des réactions primaires, de protection, de repli de méfiance et du mépris de l'humain.

 

Je vois des enfants masqués, parqués, à qui on ne permet pas de respirer, de s'amuser, d'échanger mais qu'on considère comme des virus sur patte et comme des dangers.

 

J'ai vu tout ça et je ne comprends plus pourquoi j'enseigne.

 

J'entends les peurs, les doutes, les colères, mais j'entends surtout la voix de mon fils dans la voiture à 16h35 qui m'explique calmement qu'il a eu envie de vomir à plusieurs reprises à cause du masque et qu'il n'a pas osé le dire.

 

Je choisis de rester calme, je choisis de laisser chacun vivre cette période mais je vais continuer à partager ce que je vois et à incarner l'école que je veux pour mon fils et mes élèves, et dans laquelle les enfants sont accueillis dans un espace sécure et non pas sécuritaire. Mais je reviendrai sur tout cela dans une prochaine publication.

 

Je vous souhaite une belle semaine, en conscience.

 

Emma

 


09/11/2020
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Enseignement et alignement

De quoi est-on conscient ? De quoi est-ce que je suis consciente ?

 

Pendant plusieurs semaines depuis la rentrée je me suis sentie contractée, toujours un peu en tension, je pouvais le ressentir dans l'épuisement du vendredi soir, dans la voix qui se casse et s'altère plus facilement, et ma mâchoire totalement contractée. Tous les signes que je me suis  éloignée de mon corps, que j'étais en quelque sorte désaxée. C'est un mode fonctionnement que je connais bien, c'est une sorte de moyen de défense pour moi face à mon hypersensibilité, face à l'hyperconscience de tout ce qui se passe autour de moi.

Soyons clairs, marcher dans des couloirs où sont affichés de stupides affiches rappelant l'obligation du port du masque "Je porte mon masque tout le temps" semble  menacer le super héros avec sa cape et son masque sur les yeux ; voir défiler des dizaines d'élèves portant un masque et dont on ne connaît même pas le visage, le sourire ; se faire rappeler à l'ordre pour un masque tombé sous le nez ; voir les injustices se multiplier m'affectent et risquent de m'affecter encore. Tout cela n'est pas anodin et je me refuse à le banaliser.

 

Et nous voilà reparti pour un protocole renforcé. Que nous prépare-t-on ? Que vais-je devoir observer comme incohérence, injustice ou stupidité sans pouvoir rien dire ou rien faire au risque de me retrouver dans une posture inconfortable voire problématique.

 

J'avais retrouvé plus de paix et de calme intérieur, j'ai mis à profit les vacances pour aller marcher dans la

nature, me ressourcer et recontacter la joie toute simple d'être en vie.

 

Un nouveau défi s'offre à moi, cet alignement que j'ai pu retrouver il va me falloir le conserver, le cultiver pour retourner lundi matin à 8h et faire face avec sérénité et confiance à toute la stupidité qui va déferler : protocole incohérent, mesures inutiles voire nocives, culpabilisation, mensonges, manipulation etc. Je vous laisse allégrement piocher dans la liste !

 

J'ai les deux pieds dans le système et pour l'instant je l'ai choisi ! Alors qu'est-ce que je vais pouvoir faire de tout cela sans me faire du mal à moi et à mon corps ? C'est tout le boulot qui m'attend dans les prochaines semaines. 

 

Méditer, rire, profiter de l'heure quotidienne de sortie (ça ressemble quand même à un vocabulaire carcérale ça !) pour aller dans la nature, jouer avec mon fils, peindre, écrire, tirer les cartes, pratiquer l'astrologie. Voilà tout ce qui devrait me permettre de pouvoir limiter le bombardement de perceptions dans lequel je vais plonger en allant travailler. Offrir un espace de parole à mes élèves, les faire méditer, écrire avec eux, rire et faire le pitre en classe, voilà qui devrait aussi équilibrer la balance.

 

Et toi ? De quoi es-tu conscient ?

 

Belle semaine   


29/10/2020
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